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Responsabilité civile du viticulteur : corrélation entre l’utilisation de pesticides et troubles médicaux pointée du doigt

Le 03 mai 2018
Pesticide - droit du vin et des spiritueux - droit rural - Responsabilité civile délictuelle du viticulteur - droit de l'environnement

Par une décision du 20 juillet 2017 la 1ère chambre civile de la Cour d’Appel de Bordeaux a condamné le propriétaire d’une exploitation viticole suite à des épandages de pesticides.

La France est le premier pays d'Europe et le troisième mondial en ce qui concerne l'utilisation de pesticides. Ce palmarès expose particulièrement la population aux épandages de produits dits "phytosanitaires".

D’un point de vue scientifique, une étude publiée en mars 2016 par le mensuel La recherche n°509 « pesticides et santé, un dossier accablant » a rappelé que  « si les agriculteurs sont en première ligne ils ne sont pas les seuls à développer des pathologies liées aux pesticides ».

Par ailleurs, l’utilisation des produits phytosanitaires est encadrée par l’arrêté du 4 mai 2017 (relatif à la mise sur le marché et à l'utilisation des produits phytopharmaceutiques et de leurs adjuvants visés à l’article L 253-1 du code rural et de la pêche maritime)

Aux termes de l’article 2 de l’ Arrêté du 4 mai 2017 relatif à la mise sur le marché et à l'utilisation des produits phytopharmaceutiques et de leurs adjuvants visés à l’article L 253-1 du code rural et de la pêche maritime «  Quelle que soit l'évolution des conditions météorologiques durant l'utilisation des produits, des moyens appropriés doivent être mis en œuvre pour éviter leur entraînement hors de la parcelle ou de la zone traitée. »

De plus, les produits ne peuvent être utilisés en pulvérisation ou poudrage que si le vent a un degré d'intensité inférieur ou égal à 3 sur l'échelle de Beaufort.  (soit 19km/h maximum). 

Suite à de nombreux scandales, de nouvelles mesures destinées à mieux préserver du risque d’exposition aux produits phytopharmaceutiques ont été mises en place notamment à proximité des établissements qui accueillent des enfants ou des personnes vulnérables.

Parmi les mesures envisagées : l’instauration d’une zone non traitée de cinq mètres autour des habitations, autour des fossés et des haies, l’allongement des délais avant de pouvoir entrer dans une parcelle traitée, etc

Le  20 juillet 2017, la 1ère chambre civile de la Cour d’Appel de Bordeaux a condamné le propriétaire d’une exploitation viticole suite à des épandages de pesticides.

Plus particulièrement, le propriétaire a engagé la responsabilité civile délictuelle à l’égard de son voisin, pour les dommages corporels causés à ce dernier. 

Il ressort de cette décision les obligations qui pèsent sur les viticulteurs en matière d’utilisation de pesticides.

Dans cette affaire, la Cour précise qu’il appartient au viticulteur procédant à l'épandage de produits autorisés alors qu'il y a du vent de s'assurer que son épandage, non ciblé et à deux jets, un de chaque côté du tracteur, ne nuit pas à son voisinage et de faire en sorte de ne pas procéder aux traitements lorsque les riverains sont présents dans leur jardin, et de s'interrompre lorsque ceux-ci souhaitent sortir de leur domicile où du lieu où ils se trouvent.

 

Troubles médicaux directement liés à l’utilisation de pesticides

Invoquer la responsabilité civile de l’article 1382 du Code Civil ancien suppose pour le demandeur de prouver l’existence d’une faute, d’un préjudice et d’un lien de causalité entre la faute et le préjudice.

Toute la difficulté va être de caractériser la preuve d’un lien de causalité. La cour d’appel dans cette décision s’est référée à de solides moyens de preuves.

Pour la Cour d’appel, les troubles médicaux de la victime trouvent leur source dans deux épandages successifs :

Pour celui du 24 mai 2014, la victime a produit des pièces médicales d'où il ressort qu'elle a vu son médecin traitant le jour même, qui lui a notamment prescrit un anti-histaminique, et qu'elle s'est présentée aux urgences de l'hôpital se plaignant de maux de tête, de troubles oculaires et respiratoires, dont la réalité (irritation de la muqueuse bronchique) a été constatée par le médecin.

S'agissant de l'épandage du 5 juin 2014, la victime a  produit des attestations régulières et individuelles de témoins d'où il ressort que s'ils étaient en majorité à l'intérieur fenêtres ouvertes, ils ont été incommodés par le nuage de produits fongicides projetés durant trente minutes environ, et que le viticulteur, qui était présent, a refusé d'arrêter l'épandage.

Précédemment, une décision de la troisième chambre civile de la Cour de Cassation, le 19 novembre 2013, avait conclu qu’ en l'absence de preuve des troubles invoqués et de lien de causalité, la demande de condamnation d'un exploitant voisin à cesser l'usage d'un produit phytosanitaire, si cette utilisation n'est pas effectuée au sein d'une serre permettant de stopper le transport aérien de ces produits à l'extérieur, est rejetée ( Civ. 3e, 19 nov. 2013, n°12-26.403 : AJDI 2014.156)

Plus récemment, dans l’affaire médiatisé «Denis Bibeyran » la Cour d’appel de Bordeaux a rejeté, le 21 septembre 2017, la demande de reconnaissance de maladie professionnelle post mortem d’un ouvrier viticole qui a épandu des pesticides pendant 20 ans dans le Médoc et qui est mort d’un cancer, pour défaut de preuve du lien causal.

De plus, il ressort de la littérature médicale que l’application des produits même autorisés, par pulvérisation non ciblée par tracteur, sont susceptibles de générer des troubles médicaux chez les personnes qui y sont exposées.

Vers une alternative à l’utilisation des pesticides…

Diminuer les pesticides en agriculture n’est pas seulement un enjeu environnemental et économique, c’est également un enjeu de santé publique majeur : il s’agit à la fois de mieux gérer les risques sanitaires de la production végétale, tout en protégeant ceux qui utilisent ces produits, mais aussi les riverains et les consommateurs.

Le gouvernement est en pleine réflexion quant aux "propositions d’actions sur les pesticides et pour une agriculture moins dépendante aux produits phytosanitaires chimiques", dont la dangerosité pour la santé et l'environnement est avérée. Elles s'articulent autour de quatre objectifs :

  • Diminuer rapidement l’utilisation des substances les plus dangereuses,
  • Renforcer la recherche sur les impacts des pesticides en soutien du renforcement de la protection des -populations,
  • Accompagner la recherche d’alternatives et leur mise en œuvre,
  • Et enfin, renforcer le plan Ecophyto2 et améliorer sa gouvernance.

A l’horizon 2020, une réduction de 25% est visée, par la généralisation et l’optimisation des techniques actuellement disponibles.

Ensuite, une réduction de 50% à l’horizon 2025, qui reposera sur des mutations profondes des systèmes de production et des filières soutenues par des déterminants politiques de moyen et long terme et par les avancées de la science et de la technique. La transition entre ces deux périodes, dans cinq ans, sera l’occasion d’une nouvelle révision du plan, conformément aux exigences de la directive européenne 2009/128.

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