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DROIT DE LA PUBLICITÉ DES BOISSONS ALCOOLIQUES

Le 21 février 2018
Bâche publicitaire comme support - Publicité illicite – support non autorisé – illicéité du slogan – droit des marques - droit des boissons alcoolisées

Le régime de la publicité en faveur des boissons alcooliques se trouve dans le code de la Santé Publique dont les dispositions ont été modifiées par la loi du 10 janvier 1991 (Loi EVIN) relative à la lutte contre l'alcoolisme.

Depuis la loi EVIN le législateur a apporté deux modifications.

Tout d’abord, la loi de du 23 février 2005 ayant modifié l’article L. 3323-4 du Code de la Santé publique.  Ce texte permet que la publicité se réfère à la description objective du produit, à des fins informatives, au travers de sa couleur, son goût et son arôme. De plus, la publicité peut comporter des références relatives aux appellations d’origine ou aux indications géographiques.

Ensuite, la loi du 26 janvier 2016 est venue assouplir le régime en vigueur en ajoutant au Code de la santé publique un nouvel article L3323-3-1.

Bâche publicitaire comme support - Publicité illicite – support non autorisé – illicéité du slogan – droit des marques - droit des boissons alcoolisées

Décision du Tribunal de Grande Instance de Paris du 14 février 2017

L’ANPAA (Association nationale de prévention en alcoologie et addictologie) a assigné la société HEINEKEN devant le Tribunal de Grande instance de Paris aux fins de faire dire et juger illicite la campagne de publicité réalisé par la société HEINEKEN.

Cette saisine a pour origine une campagne publicitaire, constituée par des bâches d’échafaudage, réalisée par la société HEINEKEN et apposé sur les locaux de l’établissement public MONNAIE DE PARIS à l’occasion d’importants travaux de réhabilitation de ses façades.

Le Tribunal de Grande instance de Paris devait trancher plusieurs problématiques.

Tout d’abord, une bâche publicitaire (bâche de chantier) est-elle un support autorisé pour réaliser une publicité en faveur des boissons alcooliques.

Ensuite, le slogan « OPEN YOUR WORLD » constitue-t-il une information objective autorisé par le Code de la Santé Publique.

Enfin, les visuels utilisés respectent-ils le critère d’objectivité imposé par le Code de la Santé Publique.

Par sa décision du 14 septembre 2017 le TGI de Paris a condamné la société HEINEKEN et déclaré illicite le slogan, le support utilisé ainsi que les visuels. 

Concernant ce nouveau support publicitaire, à savoir les bâches publicitaires (ou bâche de chantier), le Tribunal se livre en l’espèce a une interprétation restrictive de l’article 3323-2 du Code de la santé publique.

Le texte énumère de manière limitative les supports autorisés et sont notamment visées les affiches ou enseignes.

En conséquence, un bâche publicitaire (de chantier ou d’échafaudage) doit-elle être considéré comme une affiche ? Tout est question d’interprétation.

En l’espèce, le Tribunal se livre à une analyse restrictive.

D’une part, la réglementation des enseignes et des pré enseignes est régie par des dispositions différentes que celle des bâches de chantiers (définies dans le code de l’environnement art. R581.53). D’autre part, le régime de la publicité sur des monuments historiques est régit par le code du Patrimoine, là encore la réglementation des enseignes est régie par des dispositions différentes que celle des bâches de chantiers (article L621-29-8 C. Patrimoine).

Il n’en fallait pas plus pour que le Tribunal déclare que les bâches d’échafaudages est un support différent d’une affiche.  A moins que la subtilité réside dans la matière utilisée, car selon le tribunal « il ressort de ce qui précède les publicités litigieuses sont imprimées sur une toile, et qu’ainsi leur support est bien une bâche d’échafaudage, et non une affiche. Or une bâche d’échafaudage et une affiche outre leurs différences liées à leurs dimensions, sont également distinctes en raison de la matière du support utilisé (le papier pour les affiches, toile pour les bâches) ».

Ensuite, concernant le slogan « OPEN YOUR WORLD » la solution prétorienne semble plus logique au regard de la règlementation. Le législateur (article L 3323-4 du code de la santé publique) a entendu prohiber tout message publicitaire attirant de nature à inciter le consommateur à consommer de l'alcool. La loi limite la publicité autorisée aux seules mentions nécessaires à la description objective du produit à des fins informatives.

En l’espèce, comme le relève les juges du fond la mention « OPEN YOUR WORLD » se traduit bien par « OUVREZ VOTRE MONDE ». Il en résulte que ce slogan ne constitue pas une information objective « relative aux qualités gustatives du produit ou à son mode de consommation, mais une incitation à consommer de l’alcool afin d’ouvrir son monde, voir à s’ouvrir au monde grâce à l’effet supposé désinhibiteur de la consommation d’une HEINEKEN ».

 Enfin, concernant les visuels utilisés les juges du fond ont usé des fondements des articles L 3323-4 et le nouvel article L.3323-3-1 du code de la santé publique afin de les déclarer illicites, les considérant de nature à inciter le consommateur à une consommation excessive.

Pour reprendre l’argumentation des juges du fonds, le visuel « même s’il reprend une version stylisée du pont d’AMSTERDAM, ville d’origine de la marque HEINEKEN, par l’utilisation de couleurs chatoyantes et d’une lumière qui fait le lien entre le verre de bière HEINEKEN et la vie nocturne d’AMSTERDAM, constitue une incitation excessive à la consommation d’alcool, en évoquant le caractère festif lié à la consommation de boissons alcoolisées.

Ainsi, même si la publicité en faveur des alcools n’est pas totalement interdite, qu’elle ne peut être réduite à de l’information, car elle est par nature destinée à donner une image valorisante d’un produit et à inciter à son achat, ce visuel constitue une incitation directe à la consommation de la bière HEINEKEN et délivre donc un message qui ne se limite pas aux indications autorisées par la loi.

En conclusion, les juges du fond restent sur leur position à savoir une interprétation stricte des textes qui peut être contestable notamment en ce qui concerne le raisonnement utilisé pour les bâches de chantier. Les producteurs, négociants et marketeurs doivent agir avec « prudence » avec la créativité en l’occurrence afin de trouver des nouveaux supports.

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